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Notre Dame Miraculeuse des Roses
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17 mars 2012

Qu'est-ce que LA MONTEE DE JESUS AU CALVAIRE ? 4ème Mystère Douloureux du Rosaire

LA MONTEE DE JESUS AU CALVAIRE

(Tiré du 9ème Volume de « L’Evangile tel qu’il m’a été révélé)

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Arrivent les deux larrons encadrés chacun par une décurie de soldats. C’est l’heure de partir. Longin donne les derniers ordres.

Une centurie est disposée sur deux rangs distants de trois mètres l’un de l’autre et elle sort ainsi sur la place ou une autre centurie a formé un carré pour repousser la foule afin qu’elle ne gène pas le cortège. Sur la petite place se trouvent déjà des hommes à cheval : une décurie de cavalerie avec un jeune gradé qui les commande et avec les enseignes. Un soldat à pied tient par la bride le cheval moreau du centurion. Longin monte en selle et va à sa place à deux mètres en avant des onze cavaliers.

On apporte les croix : celles des deux larrons sont plus courtes. Celle de Jésus est beaucoup plus longue. Je dis que la pièce verticale n’a pas moins de quatre mètres.

Je la vois apportée déjà formée…c’est-à-dire il y a des années, que la croix fut formée en haut du Golgotha et que le long du chemin, les condamnés portaient seulement les deux poteaux sur leurs épaules.

C’est possible mais moi, je vois une vraie croix bien formée, solide, avec les bras parfaitement encastrés dans la pièce principale et bien renforcée par des clous et des boulons. En fait, si on réfléchit qu’elle était destinée à soutenir le poids appréciable qu’est le corps d’un adulte et à le soutenir même dans les convulsions finales, appréciables aussi, on comprend qu’elle ne pouvait être montée sur le sommet étroit et incommode du Calvaire.

Avant de donner la croix à Jésus, on Lui au cou l’écriteau avec la mention « Jésus le Nazaréen, Roi des Juifs ». La corde qui le soutient s’emmêle dans la couronne qui se déplace et griffe là où il n’y a pas déjà de griffures et pénètre en de nouveaux points en donnant une douleur nouvelle et en faisant de nouveau couler du sang. Les gens rient d’une joie sadique, insultent, blasphèment.

Maintenant, ils sont prêts, et Longin donne l’ordre de marche : « D’abord le Nazaréen, derrière les deux larrons ; une décurie autour de chacun, les sept autres décuries sur les ailes et comme renfort, et le soldat qui fait frapper à mort les condamnés sera responsable ».

Jésus descend les trois marches qui amènent au vestibule sur la place. Et il apparaît tout de suite avec évidence que Jésus est dans des conditions de grande faiblesse. Il vacille en descendant les trois marches, gêné par la croix qui repose sur son épaule toute écorchée, par l’écriteau qui se déplace devant Lui et dont la corde scie le cou, par les balancements qu’imprime au corps la longue pièce de la croix qui saute sur les marches et sur les aspérités du sol.

Les juifs rient de le voir comme un homme ivre qui tâtonne et ils crient aux soldats : « Poussez-le. Faites-le tomber. Dans la poussière le blasphémateur ! » Mais les soldats font seulement ce qu’ils doivent faire, c’est-à-dire ordonnent au Condamné de se mettre au milieu du chemin et de marcher.

Longin éperonne son cheval et le cortège se met lentement en mouvement. Longin voudrait aussi faire vite en prenant le chemin le plus court pour aller au Golgotha car il n’est pas sûr de la résistance du Condamné. Mais la pègre décharnée, et l’appeler ainsi, c’est encore un honneur, ne veut pas de cela. Ceux qui ont été les plus rusés sont déjà en avant, au carrefour où la route bifurque pour aller d’un côté vers les murs, de l’autre vers la ville. Ils s’agitent, crient quand ils voient Longin prendre la direction des murs. « Tu ne dois pas ! Tu ne dois pas ! C’est illégal ! La Loi dit que les condamnés doivent être vus par la ville où ils ont péché ! ». Les juifs, qui sont à la queue du cortège, comprennent que par devant, on essaie de les frustrer d’un droit et ils unissent leurs cris à ceux de leurs collègues.

Par amour de la paix, Longin prend la route qui va vers la ville et en parcourt un tronçon. Mais il fait signe aussi à un décurion de venir près de lui (je dis décurion parce que c’est un gradé mais c’est peut-être quelqu’un que nous appellerions son officier d’ordonnance) et il lui dit doucement quelque chose. Celui-ci revient en arrière au trot, et à mesure qu’il rejoint le chef de chaque décurie, il transmet l’ordre. Ensuite il revient vers Longin pour dire que c’est fait. Enfin, il rejoint sa place primitive dans le rang derrière Longin.

Jésus avance haletant. Chaque trou de la route est un piège pour son pied qui vacille et une torture pour ses épaules écorchées, pour sa tête couronnée d’épines sur laquelle descend à pic un soleil excessivement chaud qui de temps à autre se cache derrière un rideau de nuages de plomb, mais qui, même caché, ne cesse pas de brûler. Jésus est congestionné par la fatigue, par la fièvre et par la chaleur. Je pense que même la lumière et les cris doivent le tourmenter. Et s’il ne peut se boucher les oreilles pour ne pas entendre ces cris déchainés, il ferme à demi les yeux pour ne voir la route éblouissante de soleil…Mais il doit aussi les rouvrir parce qu’il bute contre les pierres et contre les trous et chaque fois qu’il bute, c’est une douleur car il remue brusquement la croix qui heurte la couronne, qui se déplace sur l’épaule écorchée, élargit la plaie et augmente la douleur.

Les juifs ne peuvent plus le frapper directement ; mais il arrive encore quelques pierres et quelques coups de bâtons, les premières spécialement dans les petites places remplies par la foule, les seconds au contraire dans les tournants, dans les petites rues où l’on monte et descend des marches, tantôt une, tantôt trois, tantôt davantage à cause des dénivellations continuelles de la ville. Là, nécessairement, le cortège ralentit et il y a toujours quelque volontaire qui défie les lances romaines pour donner un nouveau coup au chef d’œuvre de torture qu’est désormais Jésus.

Les soldats le défendent comme ils peuvent. Mais même en le défendant, ils le frappent parce que les longs manches des lances, brandies en aussi peu d’espace, le heurtent et le font buter. Mais, arrivés à un certain point, les soldats font une manœuvre impeccable et, malgré les cris et les menaces, le cortège dévie brusquement par un chemin qui va directement vers les murs, en descendant, un chemin qui abrège beaucoup la route vers le lieu du supplice.

Jésus halète toujours plus. La sueur coule sur son visage en même temps que le sang qui coule des blessures de la couronne d’épines. La poussière se colle sur ce visage trempé et le macule de tâches étranges car il y a aussi du vent maintenant. Des coups de vent syncopés à longs intervalles où retombe la poussière que la foule a élevée en tourbillons, qui amènent des détritus dans les yeux et dans la gorge.

A la Porte Judiciaire sont déjà entassés quantité de gens, ceux qui, prévoyants, se sont choisis de bonne heure une bonne place pour voir. Mais un peu avant d’arriver, Jésus a déjà failli tomber. Seule la prompte intervention d’un soldat, sur lequel Lui va presque tomber, empêche Jésus d’aller par terre. La populace rit et crie : « Laissez-le ! Il disait à tous : « Levez-vous ». Qu’il se lève, Lui, maintenant… »

Au-delà de la Porte, il y a un torrent et un petit pont. Nouvelle fatigue pour Jésus d’aller sur ces planches disjointes sur lesquelles rebondit plus fortement le long bois de la croix. Et nouvelle mine de projectiles pour les juifs. Les pierres du torrent volent et frappent le pauvre Martyr…

Alors commence la montée du Calvaire.  Un chemin nu, sans un brin d’ombre, avec des pierres disjointes, qui attaque directement la montée.

Jésus éprouve donc une douleur aigue dans la montée et avec le poids de la croix qui, longue comme elle est, doit être très lourde. Il trouve une pierre qui dépasse et, épuisé comme il est, il lève trop peu le pied, il bute et tombe sur le genou droit réussissant pourtant à se relever à l’aide de la main gauche. La foule pousse des cris de joie…

Il se relève, il avance de plus en plus courbé et haletant, congestionné, fiévreux…L’écriteau, qui cahote devant Lui, Lui gêne la vue et son long vêtement, maintenant qu’il avance courbé, trame par terre par devant et gêne sa marche. Il bute de nouveau et tombe sur les deux genoux, en se blessant de nouveau là où il est déjà blessé, et la croix qui échappe de ses mains et tombe après Lui avoir frappé fortement le dos, l’oblige à se pencher pour la relever et à peiner pour la mettre de nouveau sur ses épaules. Pendant qu’il le fait, on voit nettement sur son épaule droite la plaie faite par le frottement de la croix, qui a ouvert les plaies nombreuses  de la flagellation et en a fait une seule qui transsude de l’eau et du sang, de sorte que la tunique est toute tachée à cet endroit. Les gens applaudissent même, heureux de le voir si mal en point.

Longin incite à se hâter et les soldats, à coup de plat de dague, invitent le pauvre Jésus à avancer. On reprend la marche avec une lenteur de plus en plus grande malgré tous les efforts. Jésus semble tout à fait ivre tant sa marche est chancelante et il heurte tantôt l’un tantôt l’autre des deux rangs de soldats, occupant toute la route. Les gens le remarquent et crient : «  Sa doctrine Lui est montée à la tête. Vois, vois comme il titube ! » Et d’autres, qui ne sont pas du peuple mais des prêtres et des scribes, ricanent : « Non ! Ce sont les festins dans la maison de Lazare qui encore Lui montent à l tête. Ils étaient bons ? Maintenant mange notre nourriture… » Et d’autres phrases semblables.

Longin, qui se tourne de temps en temps, a pitié et commande une halte de quelques minutes. Et il est tellement insulté par la populace que le centurion ordonne aux troupes de charger. Et la foule lâche, devant les lances qui brillent et menacent, s’éloigne en criant et en descendant ça et là sur la montagne.

C’est ici que je revois sortir de derrière des décombres, peut-être de quelque muret éboulé, le petit groupe des bergers. Désolés, bouleversés, poussiéreux, déchirés, ils appellent à eux le Maître par la force de leurs regards. Et Lui tourne la tête, les voit…Il les fixe comme si c’était des visages d’anges, paraît se désaltérer et se fortifier de leurs pleurs, et il sourit…On redonne l’ordre d’avancer et Jésus passe juste devant eux et entend leurs pleurs angoissés. Il tourne avec difficulté la tête de sous le joug de la croix et leur sourit de nouveau…Ses réconforts…Dix visages…une halte sous le soleil brûlant…

Et puis, tout de suite, la douleur de la troisième chute complète. Et cette fois, ce n’est pas qu’il bute. Mais il tombe par un soudain fléchissement de ses forces, par une syncope. Il s’allonge en se frappant le visage sur les pierres disjointes, restant dans la poussière, sous la croix retombée sur lui. Les soldats essaient de le relever. Mais comme il paraît mort, ils vont le rapporter au centurion. Pendant qu’ils vont et viennent, Jésus revient à Lui, et lentement, avec l’aide de deux soldats dont l’un relève la croix et l’autre aide le Condamné à se mettre debout, il reprend sa place. Mais il est vraiment épuisé.

« Arrangez-vous pour qu’il ne meurt que sur la croix ! » crie la foule.

« Si vous le faites mourir avant, vous en répondrez au Proconsul, souvenez-vous en. Le coupable doit arriver vivant au supplice » disent les chefs des scribes aux soldats.

Ceux-ci les foudroient de leurs regards féroces mais, par discipline, ne parlent pas.

Longin, cependant, a la même peur que les juifs que le Christ meure en route et il ne veut pas avoir d’ennuis. Sans avoir besoin que quelqu’un le lui rappelle, il sait quel est son devoir de préposé à l’exécution et il y pourvoit. Il y pourvoit en désorientant les juifs, qui sont déjà accourus en avant par la route qu’ils ont rejointe de tous les côtés de la montagne en suant, en se griffant pour passer à travers les buissons rares et épineux du mont aride et brûlé, en tombant sur les détritus qui l’encombrent comme si c’était un lieu de déblai pour Jérusalem, sans sentir d’autre peine que celle de perdre un halètement du Martyr, un de ses regard douloureux, un geste même involontaire de souffrance, et sans d’autre peur que celle de ne pas arriver à avoir une bonne place. Longin donne donc l’ordre de prendre le chemin le plus long qui monte en lacets au sommet et qui pour cela est beaucoup moins rapide.

Il semble que ce soit un sentier qui, à force d’être parcouru, soit devenu un chemin suffisamment pratique. Ce croisement de chemin avec l’autre arrive environ à moitié de la montagne. Mais je vois que plus haut, par quatre fois, la route directe se trouve coupée par celle qui monte avec beaucoup moins de pente et qui, par compensation, est beaucoup plus longue. Et sur cette route, il y a des gens qui montent mais qui ne participent pas à l’indigne chahut des obsédés qui suivent Jésus pour jouir de ses tourments : des femmes pour la plupart, en pleurs et voilées, et quelques petits groupes d’hommes très peu nombreux en vérité qui, plus en avant de beaucoup que les femmes, vont disparaître à la vue quand, en continuant, le chemin fait le tour de la montagne.

Ici le Calvaire a une sorte de pointe faite en museau d’un côté alors que de l’autre elle tombe à pic. Les hommes disparaissent derrière la pointe rocheuse et je les perds de vue.

Les gens qui suivaient Jésus hurlent de rage. C’était plus beau, pour eux, de le voir tomber. Avec des imprécations obscènes au Condamné et à ceux qui le conduisent, ils se mettent en partie à suivre le cortège judiciaire et en partie montent presque en courant par la route rapide pour se dédommager de leur déception par une excellente place sur le sommet.

Les femmes, qui s’avancent en pleurant, se retournent en entendant les cris et voient que le cortège tourne de ce côté. Elles s’arrêtent alors en s’adossant au mont, craignant d’être jetées en bas par les juifs violents. Elles abaissent encore plus leurs voiles sur leurs visages et il y en a qui sont complètement voilées comme des musulmanes, ne laissant libres que ses yeux très noirs. Elles sont vêtues très richement et ont pour les défendre un vieil homme robuste dont, enveloppé dans son manteau comme il est, je ne distingue pas le visage. Je ne vois que sa longue barbe plutôt blanche que noire qui sort de son manteau foncé.

Quand Jésus arrive à leur hauteur, elles sanglotent plus fort et se courbent en profondes salutations. Puis elles s’avancent résolument. Les soldats voudraient les repousser avec leurs lances, mais celle qui est couverte comme une musulmane écarte un instant son voile devant le porte-étendard arrivé à cheval pour voir ce que c’est que ce nouvel obstacle, et il donne l’ordre de la faire passer. Je ne puis voir son visage ni son vêtement, car elle a déplacé son voile avec la rapidité d’un éclair et son habit est complètement caché par un manteau qui arrive jusqu’à terre, lourd, fermé complètement par une série de boucles. La main, qui pour un instant sort de dessous pour déplacer le voile, est blanche et belle, et c’est avec ses yeux noirs l’unique chose que l’on voit de cette grande matrone, certainement influente puisque l’officier de Longin lui obéit ainsi.

Elles s’approchent de Jésus en pleurant et s’agenouillent à ses pieds pendant que Lui s’arrête haletant…et pourtant il sait encore sourire à ces pieuses femmes et à l’homme qui les escorte qui se découvre pour montrer qu’il est Jonathas. Mais celui-ci, les gardes ne le font pas passer, seulement les femmes.

L’une d’elles est Jeanne de Chouza. Elle est plus défaite que quand elle était mourante. De rouge, elle n’a que les traces de ses pleurs et puis c’est tout un visage de neige avec ses doux yeux noirs qui, ainsi brouillés comme ils le sont, sont devenus d’un violet foncé comme certaines fleurs. Elle a dans les mains une amphore d’argent et l’offre à Jésus, mais Lui refuse. D’ailleurs son essoufflement est si grand qu’il ne pourrait même pas boire. De la main gauche, il essuie la sueur et le sang qui Lui tombe dans les yeux, qui, coulant le long de ses joues rouges et de son cou par les veines gonflées dans le battement essoufflé du cœur, trempe tout son vêtement sur la poitrine.

Une autre femme, qui a près d’elle une jeune servante avec un coffret dans les bras, l’ouvre, en tire un linge de lin très blanc, carré, et l’offre au Rédempteur. Il l’accepte et comme il ne peut avec une seule main le faire par Lui-même, la femme pleine de pitié l’aide, en faisant attention de ne pas heurter la couronne, à le poser sur son visage. Jésus presse le linge frai sur son pauvre visage et l’y tient comme s’il trouvait un grand réconfort. Puis il rend le linge et parle : « Merci Jeanne, merci Nique…Sara…Marcella…Elise…Lidia…Valeria…et toi…Mais…ne pleurez pas…sur Moi…filles de… Jérusalem…mais sur les péchés…les vôtres et ceux…de votre ville…Bénis…Jeanne…de n’avoir…plus d’enfant…Vois…c’est une pitié de Dieu…de ne pas…de ne pas avoir d’enfants…car…ils souffrent de…cela. Et toi aussi…Elisabeth…Mieux…comme cela a été…que parmi les déicides…Et vous…mères…pleurez sur…vos fils, car…cette heure ne passera pas…sans châtiment…Et quel châtiment, s’il en est ainsi pour…l’innocent…Vous pleurerez alors…d’avoir conçu…allaité et …d’avoir encore…vos fils…Les mères…de ce moment-là…pleureront parce que…en vérité, je vous le dis…qu’il sera heureux…celui qui alors…tombera…sous les décombres…le premier. Je vous bénis…Allez…à la maison…priez…pour Moi. Adieu, Jonathas…éloigne-les… »

Et au milieu d’un cri aigu de pleurs féminins et d’imprécations juives, Jésus se remet en marche.

Jésus est de nouveau trempé de sueur. Les soldats aussi suent et les deux autres condamnés, car le soleil de ce jour d’orage est brûlant comme la flamme et le flanc de la montagne devenu brûlant lui aussi s’ajoute à la chaleur du soleil. Que devait être l’effet de ce soleil sur le vêtement de laine de Jésus, en contact avec les blessures des fouets, il est facile de l’imaginer et d’en être horrifié…Mais Lui ne profère pas une plainte. Seulement, bien que la route soit beaucoup moins rapide et n’ait pas ces pierres disjointes, si dangereuses pour son pied qui trame maintenant, Jésus titube toujours plus fort, allant heurter un rang de soldats puis le rang opposé, et fléchissant de plus en plus vers la terre.

Ils pensent supprimer cet inconvénient en Lui passant une corde à la taille et en la tenant par les deux bouts comme si c’était des rênes. Oui, cela le soutient, mais ne Lui enlève pas son fardeau. Au contraire, la corde, en heurtant la croix, la déplace continuellement sur l’épaule et ainsi elle frappe la couronne qui désormais a fait du front de Jésus un tatouage sanglant. De plus, la corde frotte la taille où se trouvent tant de blessures et certainement doit les ouvrir de nouveau. Aussi la tunique blanche se colore à la taille d’un rose pâle. Pour l’aider, ils le font souffrir plus encore.

Le chemin continue, il fait le tour de la montagne, revient presque en avant vers la route rapide. Là se trouve Marie avec Jean. Je dirais que Jean l’a amenée en cet endroit ombragé, derrière la pente de la montagne, pour qu’elle se refasse un peu. C’est l’endroit le plus escarpé de la montagne. Il n’y a que ce chemin qui la côtoie. Au-dessous  la côte descend rapidement et au-dessus la pente est aussi forte. A cause de cela, les cruels la négligent. Là, il y a de l’ombre, car je dirais que c’est le septentrion, et Marie, adossée comme elle l’est à la montagne, est à l’abri du soleil. Elle se tient debout appuyée au flanc de la montagne mais elle est déjà épuisée. Elle aussi halète, pâle comme une morte dans son vêtement bleu très foncé, presque noir. Jean la regarde avec une pitié désolée. Lui aussi a perdu toute trace de couleur et il est terreux avec deux yeux las et écarquillés, dépeigné, les joues creuses comme s’il avait été malade.

Les autres femmes : Marie et Marthe de Lazare, Marie d’Alphée et de Zébédée, Suzanne de Cana, la maîtresse de la maison et d’autres encore que je ne connais pas, sont au milieu du chemin et elles regardent si le Sauveur arrive. Ayant vu que Longin arrive, elles accourent près de Marie pour lui donner la nouvelle. Marie, soutenue par le coude par Jean, se détache, majestueuse dans sa douleur, de la côte du mont et se met résolument au milieu du chemin, en ne s’écartant qu’à l’arrivée de Longin qui, du haut de son cheval, regarde la femme pâle et celui qui l’accompagne, blond, pâle, aux doux yeux de ciel comme elle. Et Longin hoche la tête pendant qu’il la dépasse suivi des onze cavaliers.

Marie essaie de passer entre les soldats à pied mais ceux-ci, qui ont chaud et sont pressés, cherchent à la repousser avec leurs lances, d’autant plus que du chemin pavé volent des pierres pour protester contre tant de pitié. Ce sont les juifs qui lancent encore des imprécations à cause de l’arrêt causé par les pieuses femmes et disent : « Vite ! Demain c’est Pâque. Il faut tout finir avant le soir ! Complices, qui méprisez notre Loi ! Oppresseurs ! A mort les envahisseurs et leur Christ ! Ils l’aiment ! Voyez comme ils l’aiment ! Mais prenez-le ! Mettez-le dans votre Rome maudite ! Nous vous le cédons ! Nous n’en voulons pas ! Les charognes aux charognes ! La lèpre aux lépreux ! »

Longin se lasse et éperonne son cheval, suivi des dix lanciers, contre la canaille qui l’insulte et qui fuit une seconde fois. C’est en le faisant qu’il voit une charrette arrêtée, montée certainement des cultures maraîchères qui sont au pied de la montagne, et qui attend avec son chargement de salades que la foule soit passée pour descendre vers la ville. Je pense qu’un peu de curiosité chez le Cyrénéen et ses fils l’ont fait monter jusque là, car il n’était pas vraiment nécessaire pour lui de le faire. Les deux fils, allongés sur le tas de légumes, regardent et rient après les juifs en fuite. L’homme, de son côté, un homme robuste sur les quarante-cinquante ans, debout près de l’âne qui effrayé veut reculer, regarde attentivement vers le cortège.

Longin le dévisage. Il pense qu’il peut lui être utile et lui ordonne : « Homme, viens ici ». Le Cyrénéen fait semblant de ne pas entendre mais avec Longin, on ne plaisante pas. Il répète l’ordre de telle façon que l’homme jette les rênes à un de ses fils et s’approche du centurion.

« Tu vois cet homme ? lui demande t-il. Et en parlant ainsi, il se retourne pour indiquer Jésus et il voit à son tour Marie qui supplie les soldats de la laisser passer. Il en a pitié et crie : « Faites passer la femme ». Puis il reprend à parler au Cyrénéen : « Il ne peut plus avancer ainsi chargé. Tu es fort. Prends sa croix et porte la à sa place jusqu’à la cime ».

« Je ne peux pas…J’ai l’âne…il est rétif…les garçons ne savent pas le retenir ».

Mais Longin lui dit : « Va, si tu ne veux pas perdre l’âne et gagner vingt coups comme punition ».

Le Cyrénéen n’ose plus réagir. Il crie aux garçons : « Allez vite à la maison et dites que j’arrive tout de suite », et puis il va vers Jésus.

Il le rejoint juste au moment où Jésus se tourne vers sa Mère que seulement alors il voit venir vers Lui, car il avance si courbé et les yeux presque fermés comme s’il était aveugle, et il crie : « Maman ! ».

C’est la première parole depuis qu’il est torturé, qui exprime sa souffrance. Car dans cette parole il y a la confession de tout et de toute sa terrible douleur de l’esprit, du moral et de la chair. C’est le cri déchiré et déchirant d’un enfant qui meurt seul, parmi les argousins et au milieu des pires tortures…et qui arrive à avoir peur même de sa propre respiration. C’est la plainte d’un enfant qui délire et que déchirent des visions de cauchemar…Et il veut la mère, la mère parce que seul son frais baiser calme l’ardeur de la fièvre, que sa voix fait fuir les fantômes, que son embrassement rend la mort moins effrayante…

Marie porte la main à son cœur comme si elle avait reçu un coup de poignard et vacille légèrement, mais elle se reprend, hâte sa marche et, en allant, les bras tendus vers son Fils martyrisé, elle crie : « Fils ! ». Mais elle le dit d’une telle manière que qui n’a pas un cœur d’hyène le sent se fendre par cette douleur.

Je vois que même parmi les romains il y a un mouvement de pitié…et pourtant ce sont des hommes d’armes habitués aux tueries, marqués de cicatrices…Mais la parole « Maman ! » et « Fils ! » sont toujours les mêmes et pour tous ceux qui, je le répète, ne sont pas pires que des hyènes, et sont dites et comprises partout, et soulèvent partout des flots de pitié…

Le Cyrénéen a cette pitié…IL voit que Marie ne peut embrasser son Fils à cause de la croix, et qu’après avoir tendu les mains, elle les laisse retomber, persuadée de ne pouvoir le faire. Elle le regarde seulement, essayant de sourire de son sourire martyr, pour le réconforter alors que ses lèvres tremblantes boivent ses larmes. Lui, tordant la tête de sous le joug de la croix, cherche à son tour à lui sourire et à lui envoyer un baiser avec ses pauvres lèvres blessées et fendues par les coups et la fièvre. Le Cyrénéen, à ce spectacle, se hâte d’enlever la croix et il le fait avec la délicatesse d’un père, pour ne pas heurter la couronne et ne pas frotter les plaies. Mais Marie ne peut baiser son Fils…L’attouchement, même le plus léger, serait une torture sur les chairs déchirés, et Marie s’en abstient. Et puis…les sentiments les plus saints ont une pudeur profonde et ils veulent le respect ou, du moins, la compassion. Ici, c’est la curiosité et surtout le mépris. Se baisent seulement leurs deux âmes angoissées.

Le cortège se remet en marche sous la poussée des flots d’un peuple furieux qui les presse, les sépare, en repoussant la Mère contre la montagne, l’exposant au mépris de tout un peuple…

Maintenant, derrière Jésus, marche le Cyrénéen avec la croix. Et Jésus, libéré de ce fardeau, marche mieux. Il halète fortement, portant souvent la main à son cœur comme s’il avait une grande douleur, une blessure à la région sterno-cardiaque, et maintenant qu’il le peut, n’ayant plus les mains liées, il repousse les cheveux tombés en avant, tout gluants de sang et de sueur, jusque derrière les oreilles, pour sentir l’air sur son visage congestionné, il délace le cordon du cou qui le fait souffrir quand il respire…Mais sa marche est plus facile.

Marie s’est retirée avec les femmes. Elle suit le cortège une fois qu’il est passé, et ensuite, par un raccourci, elle se dirige vers le sommet de la montagne défiant les imprécations de la plèbe cannibale.

Maintenant que Jésus est libre, le dernier lacet de la montagne est assez vite parcouru et ils sont proches de la cime toute remplie d’un peuple qui pousse des cris.

Longin s’arrête et il ordonne que tous, inexorablement, soient repoussés plus bas, pour dégager la cime, lieu de l’exécution. Une moitié de la centurie exécute l’ordre en accourant sur place et en repoussant sans pitié tous ceux qui s’y trouvent, en se servant pour cela de leurs dagues et de leurs lances. Sous la grêle des coups de plat et des bâtons, les juifs de la cime s’enfuient. Et ils voudraient se placer sur l’esplanade qui est au-dessous. Mais ceux qui y sont déjà ne cèdent pas et parmi ces gens s’allument des rixes féroces. Ils semblent tous fous.

Les soldats, qui ont repoussé la foule de la cime, apaisent, à coups persuasifs de lances, les rixes et dégagent le chemin pour que le cortège puisse passer sans encombre dans le bout de chemin qui reste, et ils restent là à faire la haie pendant que les trois condamnés, encadrés par les cavaliers et protégés en arrière par l’autre demi-centurie, arrivent au point où ils doivent d’arrêter : au pied du plancher naturel, surélevé qui forme la cime du Golgotha.

Pendant que les hommes préposés à l’exécution préparent leurs instruments en achevant de vider les trous, et que les condamnés attendent dans leur carré, les juifs réfugiés dans le coin opposé aux Marie les insultent. Ils insultent même la Mère : « A mort les Galiléens ! A mort ! Galiléens ! Galiléens ! Maudits ! A mort le blasphémateur galiléen ! Clouez sur la croix même le sein qui l’a porté ! Loin d’ici les vipères qui enfantent les démons ! A mort ! Purifiez Israël des femmes qui s’allient au bouc !... ».

Longin, qui est descendu de cheval, se tourne et voit la Mère…Il ordonne de faire cesser ce chahut…La demi-centurie, qui était derrière les condamnés, charge la racaille et désencombre complètement la seconde petite place, alors que les juifs s’échappent à travers la montagne en s’écrasant les uns des autres. Les onze cavaliers descendent aussi de cheval et l’un d’eux prend les onze chevaux en plus de celui du centurion et les mène à l’ombre, derrière la côte de la montagne.

Le centurion se dirige vers la cime. Jeanne de Chouza s’avance, l’arrête. Elle lui donne l’amphore et une bourse, et puis se retire en pleurant, pour aller vers le coin de la montagne avec les autres.

Là-haut, tout est prêt. On fait monter les condamnés. Jésus passe encore une fois près de la Mère qui pousse un gémissement qu’elle cherche à freiner en portant son manteau sur la bouche.

Les juifs la voient et rient et se moquent d’elle. Jean, le doux Jean, qui a un bras derrière les épaules de Marie pour la soutenir, se retourne avec un regard féroce, son œil en est phosphorescent. S’il ne devait pas protéger les femmes, je crois qu’il prendrait à la gorge quelqu’un de ces lâches.

A peine les condamnés sont-ils sur le plateau fatal que les soldats entourent la place de trois côtés. Il ne reste vide que celui qui surplombe.

Le centurion donne au Cyrénéen l’ordre de s’en aller et il s’en va de mauvaise grâce cette fois et je ne dirais pas par sadisme mais par amour, si bien qu’il s’arrête près des galiléens en partageant avec eux les insultes que la foule prodigue au petit nombre de fidèles au Christ.

Les deux larrons jettent par terre leurs croix en blasphémant. Jésus se tait.

Le chemin douloureux est terminé.

 

(Tiré des Cahiers, 8 décembre 1943)

Marie dit :

« Quand dans la fureur du Vendredi Saint je me rencontrai avec mon Fils à un carrefour qui menait au Golgotha, aucun mot ne sortit de nos lèvres hors de : « Maman ! », « Fils ! ».

Autour de nous étaient le Blasphème, la Féroce, la Dérision et la Curiosité. Inutile, devant ces quatre furies, exposer le cœur avec ses palpitations plus saintes. Elles se seraient précipitées sur lui pour le blesser encore plus, parce que quand l’homme atteint la perfection du mal, il est capable non seulement de la perfection du crime vers les corps mais aussi vers la pensée et le sentiment de son prochain.

Nous nous regardâmes, Jésus, qui avait déjà parlé aux femmes miséricordieuses les encourageant à pleurer sur les péchés du monde, ne me regarda que fixement, à travers le voile de la sueur, des larmes, de la poussière, du sang, qui faisaient une croûte sur ses paupières.

Il savait que je priais pour le monde et que j’aurais voulu plier le Ciel à son secours soulageant non son supplice, parce que celui-ci devait être accompli par décret éternel, mais sa durée. J’aurais voulu le plier au prix de mon martyr de toute la vie. Mais je ne pouvais pas. C’était l’heure de la Justice.

Il savait que je l’aimais comme jamais. Et je savais qu’il m’aimait et que plus que le voile de la Véronique miséricordieuse et de tout autre secours, son soulagement serait l’embrassement de sa Maman. Mais cette torture aussi était nécessaire pour réparer les fautes du manque d’amour.

Nos regards se rencontrèrent, se réunirent, se divisèrent déchirant nos cœurs. Puis la foule emporta et poussa la Victime vers son autel et la cacha à l’autre victime qui était déjà sur l’autel du sacrifice et qui était moi-même, Mère Douloureuse. 

Quand je vous vois si durs, obstinés dans le péché, et je pense que notre double déchirement infini n’a pas valu à vous rendre bons, je me demande quel déchirement plus grand était nécessaire pour neutraliser le venin de Satan en vous et je ne le trouve pas parce qu’un déchirement plus grand que le nôtre n’existe pas.

J’ai tenu, du moment de mon Immaculée Conception, la tête de Satan sous mon talon de Femme sans tache. Mais puisqu’il n’a pu corrompre mon corps et mon âme par son venin, il a jeté ce venin comme acide infernal sur mon Cœur maternel et, s’il est immaculé par grâce de Dieu, il est douloureux comme il ne pourrait plus par l’œuvre de Satan, qui l’a percé à mort par l’œuvre des fils de l’homme, meurtriers de mon Fils depuis l’heure du Gethsémani jusqu’à la fin du monde.

La Mère te dit, créature qui m’es chère, que dans la béatitude du Ciel les offenses que vous faites à mon Fils, montent me blesser comme des flèches et chacune rouvre la blessure du Vendredi Saint. Plus nombreuses que les étoiles dans les firmaments de Dieu, sont les blessures que mon Cœur porte pour vous. Et de la Mère qui vous a donné sa vie, vous n’avez pas pitié.

Je reviendrai te parler aujourd’hui parce que je veux te tenir tout le jour avec moi. Aujourd’hui, je suis plus que jamais Reine dans le Ciel et je porte avec moi ton âme.

Tu es un enfant qui connait peu de sa Maman. Mais quand tu sauras bien des choses et tu me connaîtras non comme étoile lointaine dont on voit seulement un rayon et on connaît le nom, non seulement comme entité idéale et idéalisée, mais comme réalité vive et amoureuse, avec mon cœur de Mère de Dieu et de Maman de Jésus, de Femme qui comprend les douleurs de la femme parce que les plus atroces ne lui furent pas épargnées et n’a qu’à se souvenir des siennes pour comprendre celles d’autrui, alors tu m’aimeras comme tu aimes mon Fils : c’est-à-dire avec toute toi-même ».

    

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